Nous sommes les neufs Vengeurs…
Nous
sommes les neufs pauvres chevaliers qui créèrent
avec Hugues de Payns l’Ordre
du Temple, avec ses neuf provinces et neuf mille commanderies, puis on
révéla que
nous crachions sur le christ et baisions le cul du diable, et nous
vîmes notre
Grand Maître Jacques de Molay périr sur le bûcher
par la cause d’un roi et d’un
pape. Mais de nos lointaines terres d’Ecosse où nous nous
repliâmes dans les
loges maçonniques, nous guidâmes le fer et le trait des
armées de paysans levées
par Robert Bruce contre leurs oppresseurs, et tenions ainsi notre
revanche.
Nous
sommes les fidèles Assassins d’Hasan Sabbah, et
nous reçûmes des mains
du Vieux de la Montagne, la Coupe et le Poignard, le secret du
haschich, et sa
bénédiction pour fonder l’Ordre
réformé des ismaïliens d’Alamut qui allait
réveiller l’antique religion zoroastrienne et hâter
le soulèvement national
iranien. Nous embrassions les Templiers comme s’embrassent des
Frères, et avec
eux nous étudiâmes l’Art Royal, le Sîr
et la flos florum.
Nous
sommes le Bundschuh des laboureurs et paysans d’Alsace.
En l’an de grâce
1493, nous conspirâmes pour tuer les usuriers et annuler les
dettes,
confisquâmes les trésors des monastères,
amputâmes les revenus des prêtres,
abolîmes la confession orale et instaurâmes des tribunaux
locaux élus par les
communautés. Le Dimanche de Pâques, nous attaquâmes
la forteresse de
Schlettstadt. Nous fûmes vaincus. Nombre d’entre nous
furent arrêtés et jetés
aux cachots pour être écartelés ou
décapités. D’autres furent estropiés, mains
et doigts tranchés, puis exilés. Pourtant ceux qui
continuèrent répandirent le Bundschuh
dans toute l’Allemagne. Après des années de
répression et de réorganisation, le
Bundschuh fit son apparition à Freiburg en
l’an de grâce 1513. La marche
s’est poursuivie et le Bundschuh vit encore.
Nous
sommes le tribunal de la Sainte Vehme, errant par toute la
Westphalie,
n’ayant d’autres lois à respecter que celles
dictées par la conscience et
l’égalité naturelle, mettant fin par les tribunaux
populaires aux scandaleuses
impunités des barons féodaux, obligeant les profiteurs
à rendre gorge, jouant
de la corde et du Poignard pour rétablir le droit des gens
contre celui des
puissants.
Nous
sommes les Illuminés de Bavière, et nous
cherchâmes à renverser la
monarchie allemande dix ans avant la révolution
française, pour en finir avec
le gouvernement et la propriété privée parce que
nous voulions abolir toute
subordination sur la surface de la terre, sillonnant l’Europe
occulte pour échapper
aux persécutions menées par la société
secrète de la Rose-croix d’Or qui avait
bafoué et souillé l’idéal de la
première Rose-croix, et diffusant, partout où
nous étions, l’esprit des Lumières dans les loges
maçonniques.
Nous
sommes les Carbonari qui initièrent François 1er
dans une
modeste cabane de travailleur, prirent le maquis contre les Bourbons de
Naples
et les troupes autrichiennes, investirent les loges maçonniques
de Mizraïm, mirent
en échec les polices de la Restauration et de la Monarchie de
Juillet et
travaillèrent à renverser le Trône et
l’Autel, et nous vîmes nos quatre Frères
et Cousins décapités à La Rochelle, mais nous
eûmes le temps de tracer sur leur
poitrine l’Echelle de la Résolution et de leur expliquer
les trois couleurs et
le drap blanc.
Nous
sommes les Frères de la Côte, flibustiers et
pirates de haut rang,
pillant et rançonnant les navires marchands, vivant dans nos
farouches utopies,
sous le drapeau noir et les tibias entrecroisés, ce que nulle
utopie de
bureaucrate politicien n’est parvenu à réaliser
depuis : l’égalité
fraternelle, la liberté sans limite et la jouissance
dépensière. Notre
fraternité par delà bien et mer a fait honte à
Satan et a rendu Dieu jaloux.
Nous fûmes les premiers à découvrir la
mondialisation du capital, lorsque les
caravelles chargées d’or et d’épice
sillonnaient les océans, et contrairement à
vous, nous n’attendîmes pas le Grand Soir pour voler aux
voleurs et vivre comme
des gueux couronnés.
Nous
sommes les avant-postes de l’armée du général
Ludd. En l’an de grâce
1811, nous parcourûmes la campagne anglaise, et
dévastâmes les usines,
détruisant les machines et riant à la face des notables.
Le gouvernement à la
solde du capital nous envoya des milliers de soldats et de civils en
armes. Une
loi scandaleuse déclara que les machines étaient plus
importantes que les êtres
humains, et que ceux qui les détruisaient devaient être
pendus. Nous fûmes avec
notre Frère le carbonaro Lord Byron qui les avertit :
« N’y a-t-il pas
assez de sang sur votre code pénal, qu’il faille en verser
davantage pour
monter au ciel et témoigner contre vous ? » La
révolte éclata et ceux qui
échappèrent au noeud coulant furent
déportés en Australie. Et pourtant, le
général Ludd passe encore au galop à la
lisière des champs, ralliant ses
troupes du fin fond de la nuit.
Nous
sommes les neuf vengeurs d’Adonhiram, diligentés
par le très sage roi
Salomon pour châtier les assassins de notre cher maître.
Là où le crime et
l’injustice triomphent, là où l’on
enchaîne le peuple par la superstition, la
force ou l’argent, là où les puissants
écrasent la Veuve et l’Orphelin, nous
sortons de l’ombre le temps de porter de notre glaive un coup
fatal, et puis
nous retournons au Secret. Et aujourd’hui que triomphe
l’arrogance des
puissants, que l’iniquité règne en maîtresse
dans les cités de verre et de
béton, que le crime est félicité par la loi, mais
que le peuple s’émancipe
enfin de la tutelle d’une élite qui le trompe et
l’exploite, aujourd’hui, quittant
notre nid d’Aigle, nous sommes revenus dans la Vallée des
Hommes. Et nous
faisons appel à vous, entre l’Equerre et le Compas, pour
venir au Camp de
Rendez-vous, sous la bannière vôtre, unir vos forces aux
nôtres, et hâter le
cours naturel de l’histoire par certaine
alchimie politique dont nous détenons les clefs. Nous
sommes la Confrérie des Nobles Voyageurs, empruntant les
vêtements du
siècle où nous sommes, parlant la langue des hommes qui
nous offrent le pain,
le feu et le sel, ayant l’âge du sable de la mer et celui
du vent du désert,
mêlés à la foule, parmi les baladins et les
lépreux et les catins, mais cachant
sous nos pouilles le Secret scellé du vrai sel. Assemblée
hétéroclite de parias
et de bandits d’honneurs, de déclassés et de
rêveurs sans scrupules, nous
n’avons d’autre maître que notre conscience et il
nous a été donné aujourd’hui
la garde des rituels maçonnique de Vengeance, dits aussi
grades de
justice ou encore de Franc-Maçonnerie Noire, par
lesquels une fois
encore brillera dans l’obscurité l’éclair de
nos dagues et de nos sourires. Aussi,
toi qui veux connaître l’Acacia aux neuf rameaux, descends
visiter l’intérieur
de la Terre, de la Glèbe, de la Plèbe. Et là-bas,
au plus noir du noir, nous
nous reconnaîtrons et nous te rejoindrons.
Le voile a été levé en mars 6006 de
la Vraie Lumière... |